La fatigue et la dépression

La fatigue est un signal d’alarme, un feu rouge.devant ce signal, le moteur humain doit freiner, jusqu’à l’arrêt complet. Le repos et le sommeil sont des besoins naturels. Ils deviennent plus exigeants au fur et à mesure que l’activité se prolonge. Le sommeil est une période de restauration: les cellules cérébrales se débarrassent des déchets toxiques accumulés au cours de leur activité. Par conséquent, le manque de sommeil produit un véritable empoisonnement. Les cellules cérébrales épuisent leurs réserves, accumulant les déchets toxiques. Durant le sommeil, elles reconstituent leurs réserves alimentaires, sources de leur énergie.

La fatigue est donc un mécanisme naturel, qui permet à l’être humain de se préparer au sommeil, et d’éviter ainsi l’intoxication de ses cellules cérébrales.

Donc, après avoir dormi, l’homme doit se sentir parfaitement dispos, comme un moteur décrassé. Ses cellules nerveuses doivent avoir récupéré leur vitalité. Tout être humain devrait se lever en état de fraicheur dispose; tout être humain devrait se lever en chantan, célébrant joyeusement la renaissance du jour!….

Si nous regardons autour de nous, et nous verrons qu’il n’en est rien. La fatigue est une des grandes déficiences actuelles. La journée commence à peine, et la plupart des gens traînent déjà une fatigue, collée à eux comme de la glue.

Quel est le refrain moderne ?

Dés le matin je me sens fatigué… le matin je suis irritable… “… le matin je suis de si méchante humeur que j’ai envie de chercher querelle pour un rien…. le matin je dois faire des efforts terribles pour démarrer; puis cela passe vers onze heures… etc.”

Cette fatigue- là n’est pas, évidemment, une fatigue normale. Mais, tout anormale qu’elle soit, elle règne à l’état épidémique. C’est une fatigue devenue mode de vie; et qu’un repos, même prolonger, ne parvient pas à éliminer.

On sait parfaitement bien que la vie trépidante moderne empêche souvent le rythme naturel de l’homme. Mais il y a plus. On a “moralisé” la fatigue; et c’est à peine si on n’en a pas fait une déficience volontaire et méprisable. D’ailleurs voici un tableau qui résume cette page, très peu glorieuse, de notre époque.

Aujourd’hui que semble-t-il dire? qu’un homme peut être méprisé parce qu’il est fatigué. Et aussi qu’un homme peut être admiré et récompensé… parce qu’il est épuisé! Absurde? Voyns cela de plus près.

Le mépris de la fatigue

Le climat moderne est donc basé sur l’hyperactivité, la compétition, l’agressivité, la volonté, hypertendue. On entend souvent: “Ah là là!… il prend toujours son temps, celui-là! ou bien: “il m’énerve… c’est à croire qu’il n’a pas de nerfs”.

Voici quelques-unes de ces maximes actuelles qui font tant de mal:

  • Allons, surmonte ta fatigue; on n’a pas le temps d’être fatigué!
  • Fatigué?… Mais tu es un homme, oui ou non?… alors surmonte-la!
  • Fatigué?… Tu n’as qu’à faire un effort!
  • Moi fatigué ou pas fatigué, je vais de l’avant!
  • La fatigue? connais pas! (sous-entendu: ” … et par conséquent je ne comprends rien à ceux qui sont fatigués; je les méprise; ils n’ont qu’à faire un effort”).
  • Tu te sens fatigué et déprimé? Passe à l’attaque et fonce!
  • Tu es déprimé? Pure imagination. Un peu de volonté, voyons!etc.

Devant cette avalanche d’absurdités, que fait souvent une personne fatiguée ?

Elle craint le mépris. Elle craint la honte, et redresse l’échine. Elle continue. Passe outre. Se met à l’affût de tous les excitants lui permettant de “surmonter” cette fatigue, l’effort est évidemment plus pénible. C’est comme si elle devait bander tous ses muscles pour ouvrir une porte… Et la personne fatigué s’entête, s’obstine, s’acharne. Et aboutit rapidement à la super- fatigue, et à l’épuisement.

Examinons l’état normal de l’homme. Cet état normal est-il permanent?

Non; il balance entre deux pôles. Il est comme une vague calme; il oscille entre le moins et le plus,le négatif et le positif; entre le “creux” et la “bosse”.

  • Il s’agit sans hâte. Agir est la nature même de l’homme; cette action peut être manuelle, musculaire, mentale, verbale, etc.,
  • Cette action amène une sensation: la fatigue naturelle, qui doit être agréable parce que naturelle;
  • L’action ralentit, puis s’arrête. L’homme se repose dans une détente complète;
  • IL récupère, se remet en marche et agit à nouveau.

L’homme normal, donc, doit passer régulièrement de l’action au repos, et du repos à l’action. Avec, au milieu, le signal respecté de la fatigue.

Observons maintenant l’homme de tout à l’heure:

  • IL agit mal (parce que fatigué);
  • Il arrive à la grande fatigue;
  • il repousse cette grande fatigue;
  • il arrive à la très grande fatigue;
  • il la repousse, et aboutit à l’épuisement;

Les effets immédiats de l’épuisement

  1. L’épuisement produit une double réaction:
  1. la dépression;
  2. l’agitation.

Tantôt l’une tanôt l’autre. Il n’ ya pas de dépression sans agitation; il n’ya pas d’agitation sans dépression. C’est d’ailleurs deux pôles. La vague calme de l’instabilité naturelle est devenue une vague affolée, touchant alternativement les extrêmes.

L’homme épuisé devient une caricature de l’homme normalement fatigué.

  1. le “creux” s’approfondit, et devient dépression.
  2. La “bosse” exagère ses effets, et devient agitation.

Et la norme: _ il agit

il devient fatigué

il se repose

il agit de nouveau.

devie     il s’agite

il devient épuisé

il ne peut plus se reposer

il s’agite, puis se déprime, etc.

Et c’est alors une chaîne infernale qui se déroule sans répit ni fin. Car l’épuisement est comme un poison; il provoque la stupeur (dépression) d’une part, et l’excitation (agitation) d’autre part.

Où l’épuisé récolte le mépris

Dans la dépression, l’activité est fortement réduite; le déprimé ralenti ses gestes, dans un but d’économie vitale. Il se plaint de lassitude et d’insomnie. L’amaigrissement apparaît souvent; les fonctions digestives sont troublées. Des tremblements de fatigue peuvent se produire, ainsi qu’un affaiblissemet de la vision, des troubles cardiaques, etc.

La dépression produit automatiquement une difficulté d’agir, puisqu’il y a incapacité d’agir! L’énergie n’est plus suffisante pour assumer avec aisance des tâches normales. Un travail bénin devient, pour le déprimé, une montagne à soulever. Il est donc normal que ce déprimé recule devant les circonstances demandant l’action, puisque son système nerveux ne lui permet pas cette action.

Tout cela est donc mécanisme purement physique.

Mais comment la société va-t-elle interpréter ce recul devant l’action? Elle prétendera que ce déprimé manque d’énergie. Ce qui est évident. Mais ici, on commet souvent une très grave erreur: on croit que l’être humain est maître de son énergie, et qu’il la produit à volonté. Ce qui est absolument faux. La société dira donc du déprimé qu’il manque de volonté! Sans se rendre compte que la volonté normalle est une question de santé et d’équilibre.

Au lieu de dire: “essayer de la volonté”, on devrait dire: “ayez la santé physique et nerveuse qui produit automatiquement la volonté”. Car la volonté est tout simplement l’aisance. La volonté consiste à déclarer: ” je désire faire ceci, et  je le fais sans difficulté, dans une aisance parfaite”. Nous pouvons déjà conclure: dès que, pour accomplir une action, on doit faira appel à la volonté, c’est qu’on manque de volonté réelle; dès que l’action devient crispée, la véritable volonté (aisance) disparaît. Dès que la volonté véritable et saine doit être comme l’élégance: invisible. L’acte de volonté réelle consiste à puisser sans effort dans le réservoir d’énergie.

Or le problème est souvent faussé par l’intervention du mérite. Plus un homme surmonte les difficultés, plus il a de mérite. Mais ne serait-il pas plus simple de dire: plus un homme possède la santé et l’équilibre, mieux il agit; cela lui permet de diminuer l’effort; et l’énergie sauvegardée le laisse dispos pour d’autres tâches?

Les efforts du déprimé

Un état déficient empêche le déprimé d’agir correctement. Tout effort, (presque inutile à une personne normale) devient terrible pour le déprimé. Aussi évident que si un ingambe gravit sans difficulté exagérée une montagne, l’estropié y rencontrera un échec presque insurmontable.

Or, on doit se rendre compte que le déprimé fait sans cesse de grands efforts pour surmonter sa dificience parce qu’il souffre et parce qu’il craint le mépris. Malgré cela, on dira qu’il refuse l’effort!… En somme, on le taxe purement et simplement de lâcheté, de faiblesse morale et de couardise. On lui flanque sans cesse de cuisantes gifles; et le déprimé maudit l’incompréhension dont il est entouré. Souhaitant même qui ne le comprendrait? que tout son entourage sombre dans la dépression, afin qu’il sache que si lui, déprimé, n’agit pas, hésite et recule, c’est parce que son état l’oblige à ne point agir, à hésiter, à reculer.

Mais cela est trop simple pour être généralement admis, et les conséquences de mépris apparaissent: le blâme et la punition.

Le déprimé se trouve alors parmi d’autres hommes qui le jugent et le méprisent… parce qu’ils considèrent, sans doute, que l’épuisé a “voulu son épuisement”!


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